Mozartien accompli, Luca Pisaroni a promené sa voix de baryton-basse aussi bien dans des répertoires baroques et belcantiste que plus récemment dans l’opéra français. À la veille d’une prise de rôle aussi redoutée qu’attendue dans Golaud, il évoque pour nous les enjeux et les difficultés de ce rôle de méchant victime de tout et de tous.

Pelléas et Mélisande, Golaud, Wilson

DAVID VERDIER

Après une Passion selon Saint Jean au Châtelet en 2007, vous retrouvez Bob Wilson dans la reprise de Pelléas et Mélisande à l’Opéra Bastille. Vous abordez ce rôle de Golaud pour la première fois dans votre carrière. Comment ce projet a-t-il vu le jour ?

LUCA PISARONI

Après avoir chanté Mozart pendant des années, j’ai pensé que ce serait intéressant pour ma voix d’aborder l’opéra français. Ma voix de baryton-basse convient bien à ce répertoire et particulièrement à ce rôle. Il y a en permanence chez Golaud des changements d’humeur et de climat psychologique que je trouve fascinants à interpréter. Il peut passer en une mesure de la fureur au calme absolu, c’est vraiment très étonnant mais aussi très épuisant. Je sors d’un filage complet de trois heures et je suis littéralement épuisé. Depuis des semaines, je suis absorbé par la musique, la langue et la mise en scène

DV

Comment avez-vous abordé l’esthétique de Bob Wilson ?

LP

C’est une approche qui convient parfaitement à un opéra comme Pelléas. J’ai trouvé très intéressant de devoir dissocier le sentiment et le geste, comme par exemple dans la scène avec Yniold où je dois concentrer la rage de Golaud dans le visage et dans la voix, mais en retenant mes gestes. Il y a chez Bob Wilson des moments d’une précision extrême, quasi-chirugicale. Il m’explique que l’énergie est déjà là sur le plateau et que le corps des chanteurs vient compléter la scène. Il parle toujours du charisme, de l’énergie que l’on doit exprimer. On doit mémoriser au préalable ce qu’il appelle une “structure”, sorte de schéma ou de script de cinéma avec les gestes à effectuer à tel ou tel moment. Il faut progressivement donner un sens à ces gestes. Au départ, c’est vraiment très dur et puis ça s’améliore au fil des répétitions. C’est comme un processus, une partition à apprendre en plus des notes, du rythme et des paroles. C’est une partition sur la partition. Ce travail de mise en scène reste profondément musical ; il se combine à la musique et lui donne un sens. Bob contrôle absolument tout, depuis l’emplacement des éclairages à la conception des costumes. J’ai beaucoup aimé travailler avec lui et je serais prêt à le faire si une autre proposition intervenait dans l’avenir.

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